Un visage derrière la recherche : Emmanuelle Raingeval

3 septembre 2024 par
Un visage derrière la recherche : Emmanuelle Raingeval
SynHERA, Odile MOHYMONT


1. Pouvez-vous résumer votre parcours ? 

Formée en Histoire de l’art avec une spécialisation en Art contemporain dans les Universités de Lille et de Nanterre, mon cursus académique s’est achevé par une thèse soutenue à l’Université d’Amiens. Un financement du Centre de recherche en arts et esthétique (CRAE), où j’ai assuré un mandat de représentante des doctorant.e.s, m’a permis de suivre une formation courte lors d’une summer school en Histoire de la médecine au King’s College de Londres. Une bourse universitaire m’a également permis d’effectuer un séjour de recherche à l’Université autonome et au Musée Picasso de Barcelone. Cette première expérience professionnelle accomplie dans le cadre de l’école doctorale a été saluée par la communauté scientifique amiénoise lors de la remise du Prix de thèse en Sciences Humaines et Sociales de l’UPJV. Qualifiée maître de conférences dans les 18e et 22e sections du Conseil National des Universités en France, j’ai ensuite bénéficié d’un contrat d’A.T.E.R à temps plein. Au long de mon parcours, j’ai fait de l’enseignement de l’Histoire de l’art une priorité, cherchant à transmettre le savoir fondamental de la discipline. J’ai également à cœur d’initier les étudiant.e.s à des problématiques actuelles en mobilisant mes propres domaines d’expertise, et j’encadre régulièrement des étudiant.e.s en ESA pour la rédaction de leur mémoire.

En parallèle de mes activités scientifiques et pédagogiques, j'ai également participé à des projets collaboratifs. À plusieurs reprises, je me suis engagée dans des projets de coopération Nord-Sud ; dans le cadre de l’assistanat au commissariat d’exposition Retours à l’Afrique à Bandjoun Station au Cameroun, lors du projet « Open-up » Europe Créative sur la valorisation des activités artistiques des personnes en situation de migration à Amiens et par la coordination d’une formation internationale de l’Agence de la recherche et de l’enseignement supérieur (ARES). Récemment nommée Présidente de la cellule Recherche Design d’Innovation Sociale (RDIS), une asbl associée à l’ESA Saint-Luc Bruxelles, je soutiens des projets de recherche appliquée et coordonne actuellement une publication collective relevant d’une anthologie en Design d’innovation sociale. J’en dis davantage dans la suite de l’interview !

2. Quels sont vos domaines d'expertise ?

Je m'intéresse principalement aux liens qu'entretiennent l'art et la science dans les avant-gardes, et plus particulièrement la médecine, qui tient à cet égard une place particulière. J'interroge les pratiques soignantes dans le contexte des violences et des traumatismes liés aux deux guerres mondiales, tant sur le plan individuel que collectif. J’analyse la mobilisation des savoirs, des instruments et techniques de la chirurgie réparatrice, de l'orthopédie, de la psychiatrie et de la psychanalyse par les artistes afin de livrer des tableaux cliniques du désastre social, des diagnostics critiques, mais aussi parfois des thérapies alternatives et la recherche d’une résilience mémorielle. Cette pensée relative au soin m’a naturellement conduite à considérer la place de l’écologie dans l’art depuis 1960 et l’émergence des « écoventions » ; interventions restauratrices menées par des artistes dans des écosystèmes dégradés. Au croisement de mes réflexions sur la guerre, la science, la contamination et la pollution environnementale, s’est imposé le sujet du nucléaire. J’appréhende sa réception culturelle par une étude d’esthétique comparée entre les œuvres d’art et la philosophie depuis 1945. Enfin, je défriche actuellement une nouvelle piste de recherche en design d’innovation sociale.

3. Avez-vous un projet de recherche dont vous êtes particulières fière ? 

Le meilleur est toujours devant soi. Ce qui me donne le plus de satisfaction dans la recherche, ce sont les rencontres enthousiasmantes avec des personnalités passionnantes et l’émulation autour d’un sujet commun. Le projet d’anthologie en Design d’innovation sociale que je porte en ce moment en est un exemple. L’ambition de ce travail consiste en une véritable « mise en culture » de cette approche créative et participative, profondément empathique, qui permet la meilleure compréhension des besoins des usager.ères pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux en cette période de transition que nous traversons. Des expert.e.s, théoricien.e.s ou praticien.e.s, designers, artistes ou chercheur.euse.s sont invité.e.s à présenter un texte de leur choix, un extrait ou une citation inspirante, qui est illustré par un projet concret. L’ensemble participe à l’élaboration d’une définition du Design d’innovation sociale. La publication se présentera comme une source de première intention dédiée aux étudiant.es et à toute personne qui souhaite s’y initier. Le processus éditorial lui-même permet la rencontre avec des collègues en Belgique et à l’étranger et de tisser un réseau qui, peut-être, à terme, permettra de nouveaux échanges fructueux.

4. Quel est votre vision de la recherche appliquée ?

Si la recherche fondamentale fonctionne sur les principes d’autonomie et de désintéressement en visant la production de nouvelles connaissances, la recherche appliquée s’oriente vers la solution d’un problème défini. Moins spéculative, elle doit prendre en considération les réalités de son terrain d’application et les contraintes de ses usagers. Elle est en quelque sorte ce que le design est à l’art, encore que les derniers développements du design prospectif et du design fiction, et réciproquement, l’inclination éthique et la recherche d’utilité sociale de l’art contemporain tendent à bouleverser tout effort de catégorisation. La pensée évolue et se déplie selon une toute autre logique, elle s’autorise à naviguer entre ces polarités.

5. Quel est l'impact que vous désirez avoir sur la société à travers vos recherches ?

J’aimerais très simplement que ces travaux puissent orienter et soutenir l’effort global de la transition éco-sociale.

6. En tant que membre du réseau SynHERA, dans quelle mesure la collaboration avec notre structure vous a été ou peut vous être fructueuse  ?

L’ESA Saint-Luc Bruxelles est pour le moment la seule école d’art à avoir scellé un partenariat avec le réseau SynHERA. Sa formation en design d’innovation sociale, porteuse de projets financés par Innoviris ou Bruxelles-Environnement entre autres, a été la clé de cette entente. En effet, comme les Hautes Écoles, les ESA ne bénéficient pas dans leur service interne de support au montage de projets et à la diffusion de la recherche. Nous avions besoin d’une cellule interlocutrice compétente pour nous aiguiller dans l’offre de financement, dans le montage de projet ou encore éclaircir quelques questions juridiques. En plus de cela, nous avons bénéficié de la formation « Propulse » et avons accueilli la journée « Contours et horizons de l’innovation sociale » du 5 octobre 2023 à Recy-K, lieu qui héberge la formation et la recherche en Design d’innovation sociale. Cette collaboration étroite avec SynHERA permet de donner corps à nos ambitions.


Un visage derrière la recherche : Emmanuelle Raingeval
SynHERA, Odile MOHYMONT 3 septembre 2024
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