MIBREAST : la 3D au service de la reconstruction mammaire

22 February 2021 by
MIBREAST : la 3D au service de la reconstruction mammaire
SynHERA, Déborah TOUSSAINT

Le 11 mars 2025, la plénière du Parlement européen a adopté un rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre d’Horizon Europe en vue de son évaluation intermédiaire et de ses recommandations pour le 10e programme-cadre de recherche.

Le rapport s'appuie sur une analyse du programme et sur les constats des rapports Letta, Draghi et Heitor, qui alertaient sur le déclassement technologique de l'Europe et l'insuffisance de valorisation de sa recherche.

Le rapport conclut que la Commission n'a pas assuré une gestion agile d'Horizon Europe. Il propose donc des pistes pour FP10, le futur programme-cadre, afin de corriger ces dysfonctionnements.

Le programme Horizon est structuré autour de quatre piliers, résumés dans le graphique ci-dessous :

Tableau 1: les piliers du programme Horizon, source: Horizon Europe[1]

 

Ces piliers ont chacun des caractéristiques propres

Le 1er pilier Excellence Scientifique finance des projets de recherche fondamentale à haut risque et potentiel ainsi que les talents scientifiques via des programmes comme les ERC (Conseil européen de la recherche) et les bourses Marie Skłodowska-Curie.

Le 2ème pilier Problématiques mondiales et compétitivité industrielle européenne encourage le développement de partenariats à l’échelle européenne ainsi que la mise en commun des ressources et des connaissances sur le continent. Il soutient des projets d’envergure notamment à travers la création de « Joint Undertakings » — des mécanismes destinés à établir des partenariats public-privé (PPP).

Ce pilier est critiqué pour sa gestion trop complexe (approche top-down et multiplicité d’instruments), ce qui freine les petits acteurs. Il devrait privilégier les résultats plutôt que le contrôle des dépenses et mieux équilibrer recherche fondamentale et innovation marché, tout en réduisant l’éparpillement des projets.

Le 3ème pilier Europe Innovante a permis des progrès dans la valorisation de la recherche, notamment grâce à ses deux instruments :

  •  L’European Innovation Council (EIC) qui soutient l'innovation de rupture, en combinant subventions et investissements en capital-risque de la phase start-up jusqu’à la maturation industrielle et commerciale.
  •  L’European Institute of Innovation and Technology (EIT) qui renforce la coopération entre les acteurs d’un même secteur (enseignement supérieur, recherche, entreprises).

 Cependant, leur efficacité est limitée par une bureaucratie excessive, des règles complexes et des coûts dissuasifs, appelant à plus de simplicité et d’autonomie.

Le 4ème pilier transversal vise à réduire les inégalités régionales en innovation et R&D, permettant à l'Europe de mieux exploiter son potentiel scientifique. Son déploiement est freiné par l'hétérogénéité des politiques nationales. Le Parlement recommande d'imposer des obligations aux États membres et d'optimiser l'échelon de financement (européen, national ou régional). Une task force dédiée est proposée pour harmoniser les stratégies et accroître les budgets R&D de manière coordonnée.

Problèmes identifiés

Malgré les efforts de simplification, la bureaucratie continue d’étouffer Horizon Europe, avec 32% des acteurs constatant une aggravation vs Horizon 2020 et 50% aucune amélioration. Un projet sur deux y consacre plus de 10% de son budget en tâches administratives, et 10% dépensent jusqu’à 20% de leur budget – pendant que les délais de financement explosent les 8 mois réglementaires.

Cette lourdeur exclut les PME innovantes et fait fuir les talents, réduisant mécaniquement le taux de succès des projets. Le "lump sum", solution partielle, crée un paradoxe : simplification des coûts mais complexité accrue des audits ex post.

Le Parlement exige un rééquilibrage immédiat entre logistique et science, et un déploiement ciblé du financement forfaitaire après analyse rigoureuse.

Les consortiums imposés par Horizon Europe complexifient encore plus la gestion des projets, avec des coûts administratifs croissants proportionnellement au nombre de partenaires, décourageant PME et nouveaux entrants. Malgré ces obstacles, Horizon Europe a permis à 50% des PME participantes d'intégrer le programme pour la première fois, révélant un potentiel inexploité. La tendance inquiétante au repli des partenariats internationaux (2021-2027) souligne l'urgence d'alléger les contraintes pour revitaliser la collaboration transnationale.

Le Parlement identifie la nécessité d’une meilleure coordination des politiques scientifiques européennes, notamment en alignant les politiques d’investissement et la sélection des projets en fonction de leur potentiel d’impact et sur base des stratégies européennes.


Enfin, le rapport formule une série de recommandations pour la prochaine version du programme de recherche :

  • Prioriser la vulgarisation et la diffusion des résultats afin de renforcer la confiance dans les programmes de R&D et susciter l’adhésion du public aux financements de la recherche.
  • Mieux équilibrer recherche et innovation commercialisable, car l'approche actuelle ne soutient pas assez les idées réellement disruptives.
  • Définir des objectifs simplifiés pour les missions, ancrer l’approche "bottom-up" dans les besoins de terrain, et appliquer une gestion par portefeuille des projets favorisant l'interdisciplinarité (sciences humaines/exactes).
  • Last but not least, favoriser des consortiums plus petits et consacrer l'utilisation des fonds restants pour financer des projets R&D ciblés, afin de réduire les barrières à l'entrée des nouveaux acteurs.


[1] https://www.horizon-europe.gouv.fr/horizon-europe-c-est-quoi-24104

Odoo • Image et Texte

Chaque année, en Belgique, on dénombre environ 9.000 nouveaux cancers du sein. Malgré l’évolution des techniques thérapeutiques, certains cas nécessitent l’ablation d’un sein. Heureusement, des scientifiques développent des techniques innovantes pour aider les femmes, qui ont dû subir une mastectomie, à se reconstruire tant d’un point de vue physique que psychologique. Parmi les recherches en cours : MIBREAST, un projet du CRIG accompagné par SynHERA. Son objectif : concevoir et tester une prothèse mammaire fabriquée grâce à l’impression 3D qui permet aux tissus de se régénérer. 

Ce 4 février, c’était la journée mondiale contre le cancer. A cette occasion, nous avons rencontré Frédéric Oprenyeszk, Docteur en sciences biomédicales et pharmaceutiques. Depuis trois ans, ce chercheur du CRIG (Centre de Recherches des Instituts Groupés de HELMo) travaille sur MIBREAST. Un projet qui pourra, à terme, être une véritable source d’espoir pour les femmes touchées par le cancer du sein et devant subir une mastectomie. L’objectif du projet ? Proposer une technique totalement innovante, naturelle et personnalisable dans le cadre de la reconstruction mammaire : la pose d’une matrice biorésorbable, fabriquée grâce à l’impression 3D ! 

Une méthode qui comporte de nombreux avantages. Tout d’abord, l’impression 3D permet de construire une prothèse « sur-mesure » qui s’adapte parfaitement à l’anatomie des patientes. Frédéric Oprenyeszk explique : « Tout d’abord, le corps de la patiente sera scanné. Cette étape se déroulera avant l’ablation du sein. Avec les mesures obtenues, la forme exacte de son sein sera modélisée puis imprimée comme matrice en 3D ». 

Après cette 1re phase, la matrice va être placée dans le corps de la femme. Et c’est là qu’interviendra l’autre aspect innovant du projet : la régénération du tissu de la patiente. « Le corps va dégrader la matrice progressivement tout en favorisant un réseau de vaisseaux sanguins sur le site. Par après, la technique du lipomodelage, qui consiste à prélever la graisse de la patiente et l’injecter dans le sein, sera utilisée afin de compléter la reconstruction. Petit à petit, la matrice va donc être remplacée par un tissu graisseux qui régénérera le sein à l’identique ». Une méthode naturelle, donc, qui permettra à la patiente de poursuivre sa vie sans avoir à subir les complications qui peuvent être dues à la pose d’un corps étranger, comme une prothèse en silicone (voir ci-dessous).

Soutenu par un First Haute Ecole et sélectionné dans le cadre du Win2Wal

Si c’est avec enthousiasme que Frédéric Oprenyeszk nous parle de MIBREAST, il n’est pas le seul à croire en cette innovation. Soutenus en 2018 par un First Haute Ecole, lui et son équipe ont pu durant deux ans développer ce projet et réaliser les premiers tests précliniques. Des tests dont les résultats se sont d’ores et déjà avérés prometteurs. « Nous avons ensuite travaillé sur fonds propres, puis, avec l’aide de SynHERA, nous avons bénéficié d’un POC (Proof Of Concept) ». Sélectionnée dans le cadre de l’appel Win2Wal 2020, la phase 2 du projet MIBREAST est en cours. « Par la suite, l’objectif est de pouvoir sortir du laboratoire et aller vers une industrialisation du processus. D’ici deux à trois ans, nous espérons pouvoir créer une spin-off ».

Une chose est sûre : MIBREAST, un projet qui pourrait révolutionner la vie de nombreuses femmes touchées par le cancer, va encore faire parler de lui.

 

Un projet interdisciplinaire

Si au sein du CRIG, Frédéric Oprenyeszk est le seul à travailler à temps-plein sur ce projet, MIBREAST est avant tout un travail d’équipe ! Ainsi, il collabore aussi bien avec le département paramédical qu’avec le département technique de la HELMo. Le premier prend en charge des études histologiques et le second l’impression 3D avec Julien Pierre, promoteur du projet et responsable du laboratoire d’impression 3D à la HELMo Gramme.

Le consortium comporte également un industriel, deux chirurgiens plasticiens, le Professeur Jean-Luc Nizet, chef du service de chirurgie plastique et maxillo-faciale et le Docteur Christophe Nizet, interne en chirurgie plastique, au CHU de Liège. Les tests précliniques sont, eux, réalisés au CER Groupe. « C’est la même équipe depuis 2018. Personnellement, j’ai débuté en répondant à une offre d’emploi du CRIG. J’ai réalisé une thèse de doctorat à l’ULiège où j’ai développé un gel innovant, que nous avons breveté, pour traiter l’arthrose. Mes travaux ont mené à la création de la 100e spin-off de l’ULiège », explique Frédéric Oprenyeszk. 

En outre, durant son doctorat, Frédéric Oprenyeszk a réalisé une année supplémentaire pour devenir Maitre d’expériences en science des animaux de laboratoire. « Ce certificat donne l’accès à l’expérimentation animale aux chercheurs. Cette formation m’a appris les différents aspects éthiques, légaux, et techniques en la matière ». Une compétence qu’il a pu mettre à profit avec le projet MIBREAST. Un projet qui l’a tout de suite séduit. « J’appréciais son interdisciplinarité. Avec MIBREAST, le monde des ingénieurs et le monde médical doivent collaborer. De plus, c’est réellement de la recherche appliquée où l’on s’intéresse, avant tout, au bien-être de la patiente ».

Une chirurgie moins lourde et plus naturelle

Actuellement, deux techniques sont utilisées dans le cadre de la reconstruction mammaire. Tout d’abord, la pose d’une prothèse en silicone. Une intervention rapide avec un rendu immédiat qui peut néanmoins présenter des effets secondaires. En effet, dans certains cas, le corps réagira à ce corps étranger en formant une coque autour de l’implant. Le sein se retrouvera alors figé tant au niveau de la forme que lors du touché. L’autre technique ? Celle dite des lambeaux. Elle consiste à prélever un morceau de tissu du dos ou du ventre qui sera implanté au niveau de la poitrine pour reconstruire le sein. Mais même s’il s’agit d’une intervention plus naturelle, elle comporte plusieurs désagréments. En effet, il s’agit d’une chirurgie lourde et mutilante avec une récupération assez longue pour les patientes.  Avec MIBREAST, le chercheur et son équipe espèrent donc pouvoir développer une méthode qui allie les avantages de ces deux chirurgies, en réduisant leurs inconvénients.  

 
 

MIBREAST : la 3D au service de la reconstruction mammaire
SynHERA, Déborah TOUSSAINT 22 February 2021
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