Recherche en Haute École : les chercheurs en mode Covid-19 !

22 septembre 2020 par
Recherche en Haute École : les chercheurs en mode Covid-19 !
SynHERA, Déborah TOUSSAINT

Le 11 mars 2025, la plénière du Parlement européen a adopté un rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre d’Horizon Europe en vue de son évaluation intermédiaire et de ses recommandations pour le 10e programme-cadre de recherche.

Le rapport s'appuie sur une analyse du programme et sur les constats des rapports Letta, Draghi et Heitor, qui alertaient sur le déclassement technologique de l'Europe et l'insuffisance de valorisation de sa recherche.

Le rapport conclut que la Commission n'a pas assuré une gestion agile d'Horizon Europe. Il propose donc des pistes pour FP10, le futur programme-cadre, afin de corriger ces dysfonctionnements.

Le programme Horizon est structuré autour de quatre piliers, résumés dans le graphique ci-dessous :

Tableau 1: les piliers du programme Horizon, source: Horizon Europe[1]

 

Ces piliers ont chacun des caractéristiques propres

Le 1er pilier Excellence Scientifique finance des projets de recherche fondamentale à haut risque et potentiel ainsi que les talents scientifiques via des programmes comme les ERC (Conseil européen de la recherche) et les bourses Marie Skłodowska-Curie.

Le 2ème pilier Problématiques mondiales et compétitivité industrielle européenne encourage le développement de partenariats à l’échelle européenne ainsi que la mise en commun des ressources et des connaissances sur le continent. Il soutient des projets d’envergure notamment à travers la création de « Joint Undertakings » — des mécanismes destinés à établir des partenariats public-privé (PPP).

Ce pilier est critiqué pour sa gestion trop complexe (approche top-down et multiplicité d’instruments), ce qui freine les petits acteurs. Il devrait privilégier les résultats plutôt que le contrôle des dépenses et mieux équilibrer recherche fondamentale et innovation marché, tout en réduisant l’éparpillement des projets.

Le 3ème pilier Europe Innovante a permis des progrès dans la valorisation de la recherche, notamment grâce à ses deux instruments :

  •  L’European Innovation Council (EIC) qui soutient l'innovation de rupture, en combinant subventions et investissements en capital-risque de la phase start-up jusqu’à la maturation industrielle et commerciale.
  •  L’European Institute of Innovation and Technology (EIT) qui renforce la coopération entre les acteurs d’un même secteur (enseignement supérieur, recherche, entreprises).

 Cependant, leur efficacité est limitée par une bureaucratie excessive, des règles complexes et des coûts dissuasifs, appelant à plus de simplicité et d’autonomie.

Le 4ème pilier transversal vise à réduire les inégalités régionales en innovation et R&D, permettant à l'Europe de mieux exploiter son potentiel scientifique. Son déploiement est freiné par l'hétérogénéité des politiques nationales. Le Parlement recommande d'imposer des obligations aux États membres et d'optimiser l'échelon de financement (européen, national ou régional). Une task force dédiée est proposée pour harmoniser les stratégies et accroître les budgets R&D de manière coordonnée.

Problèmes identifiés

Malgré les efforts de simplification, la bureaucratie continue d’étouffer Horizon Europe, avec 32% des acteurs constatant une aggravation vs Horizon 2020 et 50% aucune amélioration. Un projet sur deux y consacre plus de 10% de son budget en tâches administratives, et 10% dépensent jusqu’à 20% de leur budget – pendant que les délais de financement explosent les 8 mois réglementaires.

Cette lourdeur exclut les PME innovantes et fait fuir les talents, réduisant mécaniquement le taux de succès des projets. Le "lump sum", solution partielle, crée un paradoxe : simplification des coûts mais complexité accrue des audits ex post.

Le Parlement exige un rééquilibrage immédiat entre logistique et science, et un déploiement ciblé du financement forfaitaire après analyse rigoureuse.

Les consortiums imposés par Horizon Europe complexifient encore plus la gestion des projets, avec des coûts administratifs croissants proportionnellement au nombre de partenaires, décourageant PME et nouveaux entrants. Malgré ces obstacles, Horizon Europe a permis à 50% des PME participantes d'intégrer le programme pour la première fois, révélant un potentiel inexploité. La tendance inquiétante au repli des partenariats internationaux (2021-2027) souligne l'urgence d'alléger les contraintes pour revitaliser la collaboration transnationale.

Le Parlement identifie la nécessité d’une meilleure coordination des politiques scientifiques européennes, notamment en alignant les politiques d’investissement et la sélection des projets en fonction de leur potentiel d’impact et sur base des stratégies européennes.


Enfin, le rapport formule une série de recommandations pour la prochaine version du programme de recherche :

  • Prioriser la vulgarisation et la diffusion des résultats afin de renforcer la confiance dans les programmes de R&D et susciter l’adhésion du public aux financements de la recherche.
  • Mieux équilibrer recherche et innovation commercialisable, car l'approche actuelle ne soutient pas assez les idées réellement disruptives.
  • Définir des objectifs simplifiés pour les missions, ancrer l’approche "bottom-up" dans les besoins de terrain, et appliquer une gestion par portefeuille des projets favorisant l'interdisciplinarité (sciences humaines/exactes).
  • Last but not least, favoriser des consortiums plus petits et consacrer l'utilisation des fonds restants pour financer des projets R&D ciblés, afin de réduire les barrières à l'entrée des nouveaux acteurs.


[1] https://www.horizon-europe.gouv.fr/horizon-europe-c-est-quoi-24104

Odoo • Image et Texte

C’est une rentrée hors du commun que nous avons toutes et tous vécue en ce mois de septembre. Une rentrée chamboulée pour les étudiants, les enseignants, mais aussi les chercheurs. Avec l’épidémie de la Covid-19, c’est leur mode de fonctionnement qui a dû être repensé. Réunions en ligne, planning des projets aménagé, présence limitée dans les labos… Déborah Lanterbecq, de la Haute École Provinciale de Hainaut-Condorcet, Quentin Bullens, de la Haute École de la Province de Namur, et César Meuris, du Centre RESSORT-HERS de la Haute École Robert Schuman, trois coordinateurs de recherche, ont accepté de témoigner sur cette situation… inédite ! 

Masque sur le visage, les enseignants ont repris le chemin des Hautes Écoles. Un vrai casse-tête pour certaines institutions qui ont dû se réorganiser pour accueillir au mieux ces milliers d’étudiants. Dans les Centres de Recherche des Hautes Écoles, aussi, les chercheurs n’ont pas eu le choix et ont dû s’adapter aux dernières mesures sanitaires. « L’occupation des sites et des locaux a été régulée, ce qui a considérablement chamboulé l’organisation des unités de recherche en place, y compris les projets de recherche individuels », nous explique d’ailleurs Déborah Lanterbecq, coordinatrice recherche de la Haute École Condorcet, et responsable d’un laboratoire. Elle ajoute : « Cette situation a également empêché la tenue de certaines manipulations ou de développements de prototypes qui nécessitent l’intervention de personnes extérieures aux sites, comme les partenaires de projets, les fournisseurs… ».

Communiquer, oui mais en ligne

Tous ont aussi dû repenser la manière de se rencontrer puisque c’est dorénavant par écran interposé que se tiennent la plupart des réunions. Un nouveau mode de communication avec, certes, des avantages, mais pas seulement... César Meuris est Docteur en Histoire et Philosophie des Sciences au Centre RESSORT-HERS. Les recherches qu’il mène avec son équipe traitent essentiellement du domaine de la santé. « Et les professionnels de la santé sont plus difficiles à joindre, et donc à rencontrer en présentiel. Au Centre RESSORT-HERS, nous menons des recherches qualitatives. En entretien, il est donc important de créer un climat de confiance, pour obtenir des discussions autres que simplement des questions-réponses. Lorsque nous ne sommes pas en face des personnes, et que l’on travaille de manière numérique, ce lien est plus difficile à établir. Cela crée un contexte qui demande beaucoup d’aménagements », indique-t-il. 

Pour Quentin Bullens, aussi, ces réunions en ligne sont devenues une habitude. Ce chercheur travaille sur « It4Anxiety », un projet mettant l’accent sur la création et la mise en œuvre de solutions innovantes visant à réduire l’anxiété chez les patients souffrant de troubles neurologiques (ex : maladie d’Alzheimer) ou de stress post-traumatique. Un vaste projet européen avec 11 partenaires et 6 pays représentés… qui a justement démarré au même moment que le confinement. « Nous avons directement travaillé en ligne, ce qui a facilité les contacts internationaux. Cependant, il est vrai, que l’on n’a pas la même sensibilité que lorsqu’on est en présentiel », raconte-t-il. 

Un impact sur le planning des projets… et sur les financements

L’autre impact de cette crise sanitaire pour les chercheurs ? Un agenda chamboulé ! Pour le projet It4Anxiety, le premier hackathon, prévu initialement en octobre, sera finalement organisé en mars. « Au niveau européen, puisqu’il s’agit d’un projet Interreg, nous devrions recevoir un report de budget puisque les délais initiaux n’ont finalement pas pu être respectés », indique Quentin Bullens. Même constat pour les autres chercheurs qui ont dû mettre certaines tâches entre parenthèses durant le confinement. Tous espèrent donc que pour certains projets subsidiés, il sera possible d’obtenir une prolongation de la fin de projet, sans pour autant toucher au budget initial. Par contre, pour les projets impliquant des entreprises, déjà très impactées par la crise, c’est une autre histoire. « Dans ce cas de figure, les projets n’ont pas pu être prolongés, reportés ou même ralentis », conclut Déborah Lanterbecq. 

 

« Important de participer à l’effort citoyen »

Comme nous vous en parlions dans une news précédente, plusieurs chercheurs de notre réseau se sont mobilisés pour faire avancer la recherche en lien avec la Covid-19, ou pour aider les hôpitaux.

A la Haute École Condorcet, outre la catégorie paramédicale (sections soins infirmiers et kiné) qui s’est beaucoup investie pour prêter main-forte aux hôpitaux, c’est au niveau de l’équipement que l’équipe de recherche en biotechnologie de Condorcet (et du CARAH, son centre de recherche associé) a apporté son aide. Ainsi, un équipement PCR (Polymerase Chain Reaction, plus d'infos ci-dessous) a été mis à disposition. « En 2020, les laboratoires du CARAH ont été repris par la Régie provinciale Hainaut Analyses. C'est donc tout naturellement que la Province de Hainaut a donné son accord pour mettre à disposition cet équipement afin d'assurer très rapidement des tests PCR dans les plateformes de test mises en place par le Fédéral. A ce jour, malgré des demandes répétées auprès de l’AFMPS, qui gère les équipements mis à disposition, je ne sais pas encore si ce dernier nous sera restitué », explique Déborah Lanterbecq.  

Elle ajoute : « Les recherches (en présentiel) ont été inévitablement suspendues durant le confinement. Il a donc été normal de participer, à notre façon, à l'effort citoyen en cette période de crise sanitaire ». Lors de la reprise des activités de recherche en mai, lorsque que les projets et les manipulations ont repris, l’équipe du CARAH-Condorcet a dû trouver une alternative pour pallier cette absence. « Nous utilisons un équipement similaire, mais plus vétuste. Nous essayons de ménager cet « ancêtre », afin qu’il ne nous lâche pas maintenant », sourit la coordinatrice de recherche.   

Au Centre RESSORT-HERS, ce sont plusieurs outils qui ont été réalisés en lien direct avec la Covid-19.  Le premier est un outil de « Réflexion éthique » développé afin d’aider les soignants aux choix qui ont dû être faits par rapport aux personnes âgées atteintes de la Covid-19, tenant compte à la fois des patients, de leurs proches et du personnel soignant. Un autre document a été diffusé, par la suite. Son objectif ? Aider à apaiser la souffrance éthique des soignants. Un sentiment qui peut émerger lorsque ceux-ci doivent réaliser des actes les obligeant à transgresser voire à renier leurs propres valeurs.

(Re)découvrez notre article sur les recherches en lien avec la Covid-19.

L’équipement qPCR de Hainaut Analyses, mis à disposition de l’État, permet d’amplifier de façon exponentielle, parfois même de quantifier, un fragment d’ADN « cible » (ou encore ADN d’intérêt, dont la séquence en acides nucléiques est connue), potentiellement présent dans un échantillon.

La PCR en temps réel est donc une méthode très sensible, qui permet de détecter des quantités très faibles, infimes même, du microorganisme dans un échantillon potentiellement contaminé.

Une des techniques employées pour diagnostiquer la présence de SARS-COV2 (Covid-19) repose sur la transcription reverse et la PCR (Polymerase Chain Reaction) quantitative. Cette méthode consiste dans un premier temps à convertir l'ARN viral en ADN double brin, lequel est alors amplifiable par la méthode PCR et donc détectable. En ciblant des séquences d'ADN propres au génome du virus ciblé, il est alors possible de confirmer sa présence dans un échantillon, même s'il y est présent en très petites quantités.

En pratique, dans le cas de la crise sanitaire que nous connaissons actuellement, les prélèvements cliniques sont envoyés vers des laboratoires spécialisés (en biologie moléculaire). Après une étape d’inactivation du virus potentiellement présent dans l’échantillon (pour rappel le Covid-19 est un virus à ARN), l’ARN (acide ribonucléique) est extrait de l’échantillon au moyen de méthodes (bio)chimiques. Cet ARN extrait est ensuite « retrotranscrit » pour obtenir de l’ADN (acide désoxyribonucléique). Un fragment d’intérêt de cet ADN (dont la séquence est connue) peut ensuite être amplifié un très grand nombre de fois grâce à la qPCR jusqu’à obtenir une quantité suffisante pour être détectable.

La procédure de diagnostic telle qu'utilisée par les laboratoires d'analyse de la Task Force "Covid-19", permet de réaliser ces deux étapes en une seule manipulation. Il est donc possible d'augmenter fortement le débit d'analyse et donc la capacité de discerner les patients contaminés ou non.

Odoo • Texte et Image
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SynHERA, Déborah TOUSSAINT 22 septembre 2020
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