1. Pouvez-vous résumer votre parcours ?
Les sciences fondamentales et appliquées sont depuis toujours un fil conducteur de mon parcours professionnel et de formation. A la fin de mes études secondaires, un test d’orientation Psycho-Médicosocial me vouait à une carrière de… bucheron. Or, le domaine de l’électronique m’intéressait particulièrement par différents aspects : un mélange de sciences fondamentales et appliquées et de technologies. En 2006, j’obtiens un master en sciences de l’ingénieur industriel en électricité option électronique à l’Institut Supérieur Industriel de Mons (ISIMs), aujourd’hui devenu le département des Sciences et Technologies (DST) de la Haute Ecole en Hainaut (HEH.be). Je découvre ensuite le monde du travail : après un bref passage dans le secteur industriel des télécommunications en 2006 en tant que chef de travaux, je débute en 2007 mon activité professionnelle dans le secteur de la recherche à Materia Nova[1], centre d’excellence en matériaux et procédés. D’abord en tant qu’assistant et ensuite en tant que senior R&D Scientist. En 2021, j’obtiens une thèse de doctorat en cotutelle UMONS/FPMS dans le domaine de la Science et l’ingénierie des plasmas portant sur les décharges magnétron pulsées bipolaires à haute puissance pour améliorer les processus de dépôt de films minces. Avec plus de 15 ans d'expérience dans le développement de procédés plasma de pointe, je suis aujourd’hui à la tête du laboratoire d'électronique de puissance et procédés plasma au sein du DST. Ce laboratoire me permet de rédiger et mener des projets de recherche appliquée, de collaborer internationalement, de former des étudiants en stage, d’étendre nos réseaux de partenariats académiques et industriels, d’accroître la visibilité de la HEH.be et de son centre de recherche associé (ESTISIM) tant au niveau local qu’international mais aussi et surtout d’intégrer les résultats de la recherche appliquée dans nos cursus. Depuis 2023, je suis engagé à plein temps à la HEH.be.
2. Quels sont vos domaines d’expertise ?
Mes domaines d’expertises sont principalement les procédés plasma, ce qui inclue le diagnostic plasma à l’aide d’outils avancés (spectrométrie de masse, spectrométrie optique, etc.) et les techniques de dépôt de films minces par pulvérisation magnétron, plus spécifiquement, la technologie HiPIMS [2] [3]. D’autre part, je possède également une expertise dans la conception de systèmes d’électronique de puissance spécifiquement pour la génération de plasmas froids (sources plasma DC/HiPIMS, convertisseurs de puissance, etc.).
3. Avez-vous un projet de recherche dont vous êtes particulièrement fier ?
Le projet dont je suis particulièrement fier, pour plusieurs raisons, est le projet Plasmagen (2021-2023) [4]. Ce projet, au travers de l’action FRHE, consistait à étudier et développer un prototype de générateur électrique plasma intégrant un système innovant de management d'arcs permettant d’améliorer la qualité des couches minces déposées par pulvérisation cathodique magnétron. Ces dépôts permettent, par exemple, l’obtention de vitrages basse émissivité pour l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments (PEB). Les résultats de ce projet ont dépassé nos attentes à plus d’un titre: 1 publication scientifique dans les Techniques de l’ingénieur, 5 présentations orales lors d’évènements scientifiques internationaux, 1 collaboration internationale avec la Tokyo Metropolitan University (TMU) et plusieurs communications grand public. Grâce à ce projet, non seulement le laboratoire d’électronique de puissance et procédés plasma a pu être créé et se développer mais cela a également eu un impact positif au niveau de la dynamique de recherche qui s’est initiée à la HEH.be et plus particulièrement au DST.
4. Quelle est votre vision de la recherche appliquée ?
C’est une vaste question qui mériterait de longs débats : les Hautes Ecoles de la FWB ont certainement un rôle à jouer pour la recherche appliquée parce qu’il existe de nombreuses compétences et équipements de pointe disponibles. Dans les domaines techniques particulièrement, les recherches fondamentales pourraient être soutenues et accompagnées par les HE de manière plus efficace pour le développement d’applications spécifiques lorsque cela s’avère pertinent. Les HE et leurs centres de recherche associés ont certainement des compétences pour amener les projets à des niveaux TRL plus élevés. Par ailleurs, de nombreuses entreprises sont attirées par la R&D appliquée et n’ont pas toujours les moyens techniques ou humains nécessaires pour développer cet axe en interne. Une fois de plus, en parallèle de leur mission d’enseignement, les HE ont certainement un rôle à jouer pour répondre aux besoins de la société et plus particulièrement aux besoins du monde industriel.
Concrètement, le chercheur n’est plus aujourd’hui seul dans son laboratoire. Il doit partager ses connaissances, travailler de manière collaborative et acquérir des compétences de pointe. Cela se traduit par un réseau collaboratif qui se construit pas à pas et qui nécessite des moyens financiers, notamment. Pour moi, la recherche appliquée en HE ne peut être que bénéfique, non seulement pour répondre aux besoins sociétaux, mais également pour améliorer la qualité des enseignements et la formation de nos étudiants (notre mission principale), ce qui, indirectement, rayonne sur les entreprises qui engagent du personnel formé au sein des HE.
5. Quel est l’impact que vous désirez avoir sur la société à travers vos recherches ?
De manière générale, les technologies plasma représentent un vrai impact/bénéfice écologique puisque ces technologies ont démontré à de nombreuses reprises qu’elles pouvaient être une véritable alternative à l’utilisation de polluants (acides, métaux lourds, solvants, etc.) ou lorsque des procédés énergivores sont utilisés. Au niveau européen, la limitation des ressources ainsi que la limitation des flux de déchets et de polluants pour l’industrie manufacturière est également une priorité. Par ailleurs, la création d’activités économiques grâce à de solides partenariats avec le secteur industriel et le monde universitaire est également un des objectifs majeurs de mes recherches. Par exemple, le nouveau projet OptiDBD (financement FRHE), qui a débuté en octobre 2024, a pour objectif de concevoir une nouvelle source plasma innovante pour augmenter l’efficacité d’un procédé industriel localisé en Région Wallonne. L’ambition est d’améliorer nos connaissances dans ce type de procédés et pouvoir augmenter l’activité du partenaire grâce à la technologie développée dans le cadre de ce projet.
6. En tant que partenaire du réseau SynHERA, dans quelle mesure la collaboration avec notre structure vous a été ou peut vous être fructueuse ?
Comme mentionné précédemment, la recherche appliquée nécessite des moyens considérables tant humains que financiers. Synhera nous a fourni une aide précieuse pour le montage et la relecture des dossiers FRHE ou encore pour l’ajustement de certains budgets. Synhera fournit également une aide précieuse pour la mobilité des chercheurs et la diffusion des connaissances. A cet égard, j’ai pu bénéficier d’une aide en 2024 et je tiens à remercier l’équipe. Il est certain que sans une structure telle que Synhera, la recherche appliquée en HE ne serait pas celle que l’on connait aujourd’hui.
[1] https://www.materianova.be/fr/
[2] M. Michiels et al., La pulvérisation cathodique magnétron en régime d’impulsions de haute puissance (HiPIMS), Techniques de l’ingénieur, IN207, 2013
[3] M. Michiels et al., Pulvérisation magnétron à impulsions bipolaires de haute puissance, Techniques de l’ingénieur, IN251, 2023
[4] https://www.heh.be/actualite-490-plasmagen-projet-de-recherche-a-la-heh
Un visage derrière la recherche MATTHIEU MICHIELS